I'm afraid to come back home. [Ismaël]

J'avais fais quelque chose d'horrible avant d'aller travailler ce soir … en effet, je venais d'ôter la vie de mon tout premier humain. Je ne l'avais pas voulu, je voulais juste boire un peu de sang chaud mais apparemment, je n'avais pas été assez fort pour résister aux pulsions meurtrière qui m'habitaient en ce moment. Je comprenais mieux désormais pourquoi mon père ne voulait pas que je me nourrisse de sang directement à la source, en effet, un accident était très vite arrivé et je venais de le démontrer ce soir, j'avais pourtant tout fais pour m'arrêter de boire mais une chose en moi me poussait à le faire, malgré que tout mon être était contre cette idée. Je m'étais quand même rendu au boulot après avoir balancé le corps à travers une bouche d'égout, très subtile, je sais. Le corps serait très probablement découvert d'ici demain matin mais tant pis, rien ne pourrait les faire remonter jusqu'à moi, du moins, je pense.

Toute la soirée, j'avais eu la tête ailleurs car malgré tout, tuer quelqu'un pour la première fois, ça marque. Les clients avaient d'ailleurs dû voir que je n'étais pas dans mon assiette ce soir. Une fois que j'eus terminé, je pris deux verres au bar et me dirigeais vers Ismaël que j'avais repéré assis à une table depuis un petit moment, je lui avais demandé de passer car je voulais lui parler de ma petite tuerie, je ne voyais pas vraiment en qui j'aurai pu en parler … Mon père ? Il m'aurait tué sur place. Ma sœur ? Probablement la même chose. Je n'avais même pas pris la peine de me changer mais je m'en fichais, après tout, tout le monde venait de me voir presque nu dans cette salle, je pouvais bien le rester encore un peu. J'occultai mes pensées pour le moment et affichai un beau sourire en m'asseyant en face de lui tout en faisant glisser son verre sur la table. « Alors, tu t'es bien rincé l’œil ? » Lui dis-je avec un clin d’œil. C'était bien le genre de phrase que j'aimais dire pour entamer une conversation.

J'étais en train de sombrer dans les eaux bulleuses et aromatisées de ma salle de bain, repensant à ma nuit dernière avec ce jeune humain que je parvenais difficilement à retirer de mon esprit, lorsque la sonnerie de mon téléphone me ramena à la réalité. Préférant terminer ma rêverie subjective, je le laissai sonner. Si c'était important, il ou elle laisserait un message, rien de bien grave donc. Ah ces nouvelles technologies !.. Le monde avait bien changé depuis mon arrivée sur cette Terre. De bonnes comme de mauvaises d'ailleurs.
Une demi-heure plus tard environ, je décidai enfin de me sécher et je regardai par la même occasion mon portable. C'était Austyn. Il voulait me voir mais j'en ignorai la teneur. Il n'était pas rare que l'on se retrouve sans aucune réelle raison, sauf qu'au vu de son message, sa voix semblait légèrement tendue. Étrange. Il ne me restait plus qu'à trouver des réponses. J'enfilai rapidement quelques fringues avant de m'éclipser : un jean noir cintré et une chemise au col dégagé dans les mêmes tons, le tout surplombé par plusieurs pendentifs qui ne me quittaient jamais. Les souvenirs perdus de plusieurs vies écoulées.

C'est ainsi que je franchissais les portes du Aps Hole, lieu que j'avais déjà fréquenté plus d'une fois, surtout parce qu'Austyn y travaillait en tant que gogo danseur. Et le moins que l'on puisse dire c'est qu'il savait appâter la clientèle. Pas étonnant que lui et moi nous étions adonnés à quelques vices proscrits par la Sainte Église. Quoiqu'il en soit j'allais me commander un verre au bar, un whisky sans glace, avant de m'installer à l'une des tables partiellement dissimulée dans l'ombre mais plus que bien placée pour admirer le show. Je jetai un regard sur la salle, observant un à un chacun des clients présents dans le bar. La plupart étaient des hommes en proie à des frustrations profondes de leur vie dénuée de sens et à une soif de goûter à l'interdit. Pathétique ces humains, vraiment. Mais très vite Austyn m'extirpa de ce tabloïd décadent. La vue de son spectacle et de son exhibition balaya mes pensées morose d'un simple revers. J'attendis patiemment qu'il eut fini et une fois fait, ce dernier me rejoignit à ma table. Dandinant jusqu'à moi à moitié nue, sa remarque me fit d'autant plus sourire. « Eh bien contrairement à la plupart de ces pauvres créatures en rûte, j'ai eu la possibilité d'en voir bien davantage.. », lui répondis-je en étouffant un petit rire cristallin. « Toujours aussi exhibitionniste à ce que je vois ». Austyn était l'une des rares personnes au fil des siècles que j'appréciais de voir sans intérêt caché. « Et sinon, une raison particulière à notre rendez-vous de ce soir ?  ».

Oui, il avait raison, lui avait eu l'occasion d'en voir beaucoup plus que ce que je n'avais montré au public ce soir, même si quelques personnes dans la salle en avaient eu l'opportunité également, de même que la patronne d'ailleurs, comme si elle avait eu besoin de tester la marchandise avant de m'embaucher … Certains clients avaient même eu l'occasion de boire mon sang, même si ces derniers étaient rares, ils m'avaient supplier pour en avoir une gorgée, je n'avais donc pas pu le leur refuser. « Certains d'entre eux en ont vu autant que toi mais que veux-tu, j'ai découvert qu'en satisfaisant les clients, ils me payaient beaucoup mieux alors bon. » Je lui souris après avoir bu une gorgée de mon verre. « Toujours oui, et ça ne changera probablement jamais ... » J'avais toujours été comme ça, et ce n'est pas au bout de 500 ans que j'allai changer, il était beaucoup trop tard pour cela.

« Pas spécialement, j'ai juste une envie de passer ma fin de soirée avec toi dans la réserve. » Lui dis-je en lâchant un rire. « A moins que tu ne préfères y aller avec ton humain ... » J'allai très certainement appuyer sur une corde sensible mais Ismaël savait que c'était de l'humour, un humour très décalé mais de l'humour quand même. « Plus sérieusement, j'ai tué un humain ce soir et je n'avais donc pas envie de passer ma soirée tout seul ... » Ismaël avait déjà tué, il allait donc pouvoir m'aider à franchir le cap sans doutes. Car depuis que j'avais ôté la vie à un humain, on ne peut pas dire que j'étais vraiment dans mon état. En effet, je ne faisais que penser à cet homme que j'avais tué de sang froid, lui qui n'avait rien demandé à personne.

Savourant mon deuxième verre avec délectation, j'esquissai un sourire intérieur au vu des regards que bon nombre de clients nous jetaient. Ça en était exaspérant ; d'autant plus que c'était loin d'être la première fois qu'une chose pareille arrivait. Les aléas de l'état vampirique je dirais. Bref, je ne prêtais plus réellement attention à eux, reportant mon regard sur mon acolyte. « Tu joues les prostitués maintenant ? Dois-je te rappeler ton statut et certains de tes talents cachés qui te permettraient largement de gagner ta vie de manière plus... honnête ? », ne pus-je m'empêcher de lui dire d'un air amusé, le tout en reprenant une gorgée du précieux liquide. Austyn avait toujours eu le don de me divertir, que cela soit par son caractère ou son incroyable aptitude à me surprendre. Et croyez-moi qu'en presque mille années d'existence sur cette planète, il était difficile d'y parvenir.

La preuve en est car alors que je tentais de connaître les raisons de nos retrouvailles ici, mon ami me balança une gifle au sens figuré en plein visage. C'est impossible, il ne pouvait être au courant. Cela faisait si peu de temps et chaque fois que cela arrivait je prenais grand soin à le dissimuler aux yeux de mes semblables. D'ailleurs, à vrai dire, j'ignorais moi-même ce que je devais penser de tout ça. Pour la première fois depuis bien longtemps j'étais comme déstabilisé.. C'est bien simple, si mon cœur battait encore à cet instant, j'en aurais eu le souffle coupé. Par chance ce n'était plus le cas depuis bien longtemps désormais. Je pouvais donc par conséquent feintait l'ignorance. « Mon humain ? Aurais-tu ingurgité du sang de mort récemment pour délirer de la sorte ? Tu es bien placé pour connaître mon intolérance envers cette espèce », rajoutais-je avec une assurance indéfectible pour ne rien laisser paraître. Je vidai mon whisky d'un coup sec et changeai rapidement de sujet. Il était hors de question que quiconque – même Austyn – n'apprenne pour lui.

« Eh bien tu n'es finalement pas une cause perdu mon ami ! », lui répondis-je en affichant un grand sourire et en lui tapotant l'épaule comme pour le féliciter. « Moi qui pensais ne jamais voir ce jour arrivait ! Toutes mes félicitations ! ». Cela me faisait rire car je ne comptais plus le nombre d'humains que j'avais tué depuis ma renaissance au monde de la nuit ; toutefois je savais qu'il n'en était rien pour le fils du Prince de la Camarilla. Pourquoi ? Ça ne je ne le comprendrais jamais.  

Prostituer, c'est vrai que c'était bien le terme qui convenait pour ce que je faisais, encore une chose qui ne devrait jamais revenir aux oreilles de mon père … Quand je pense aux nombres de choses que j'ai fais sans qu'il ne soit jamais au courant durant ses 500 dernières années, il y aurait de quoi avoir peur. Mais c'était normal, un fils n'avait pas à mettre au courant son père de tout ce qu'il fait, il faut savoir respecter l'intimité, et j'avais besoin d'en avoir. « N'employons pas des mots aussi cruels, disons juste que je m'assure que la clientèle reste fidèle à cet endroit. Je pourrais gagner ma vie plus honnêtement c'est vrai, mais où serait le plaisir ? » C'est irrémédiable, tout ce qui n'est pas autorisé attire forcément. Lâchant un petit rire je repris. « Et puis je me sers déjà de mes talents cachés ici. » En effet, mon corps était l'un de mes talents que j'utilisais le plus souvent pour obtenir ce que je désirais. « Je pourrais peut-être devenir boxer professionnel ... » J'étais sûr de gagner à tous les coups avec une activité pareille, ou pourquoi pas participer à une course ou autre, encore une fois, je gagnerai sans difficultés.

Je lâchai un rire amusé à l'entente de sa réponse. Pensait-il vraiment pouvoir cacher une chose pareille ? Les rumeurs fusaient très vite en ville, surtout celles qui concernent directement les vampires. Ça se propageait plus vite que la peste. « Tu ne veux pas en parler très bien, mais inutile de le nier, je le sais. » Je n'allai pas aller plus loin au risque de l'énerver, du moins, pour le moment car même si cela risquait de l'énerver, c'était dans ma nature de la taquiner avec ça.

Nous en arrivâmes ensuite à un sujet délicat, celui concernant la mort d'une personne par mes soins. Comme je l'avais anticipé, il lâcha un large sourire tout en me félicitant, je levai les yeux au ciel tout en lui répondant. « Ne te réjouis pas trop vite, ça n'arrivera plus. » Quoique … Vu le plaisir que j'y avais pris, rien n'était encore sûr. Peut-être que ce meurtre allait totalement me changer et faire de moi un enfoiré de première. « On aura tout les deux été surpris, car je n'aurai jamais pensé voir venir le jour où tu t'enticherais d'un simple humain. » Je finis ensuite mon verre, cette phrase allait sans doutes l'énerver mais tant pis, j'allai tout de même continuer dans ma lancée. « T'as pas peur de le casser ? » Lui dis-je, le ton plein de moquerie.

J'espérais sincèrement avoir éviter le sujet concernant ma petite faiblesse passagère. Du moins c'est ce que je me disais le concernant, car au fond de moi je savais pertinemment que ce n'était pas éphémère. Et pour cela, je l'aimais autant que je le haïssais. Si tentait que c'était de l'amour. En effet, au cours de ce presque millénaire d'existence, s'il y avait bien une chose qui me définissait, c'était l'absence de tout sentiment amoureux. Je ne l'avais jamais été et c'était affligeant pour moi de voir pareil chose sous mes yeux. Le seul lien qui s'y rapprochait le plus devait être celui que j'avais entretenu avec Ophélia pendant plusieurs siècles. Après tout elle avait été ma créatrice et m'avait donné la chance de tout recommencer. Mais depuis, plus rien. Absolument rien. Et je ne m'en portais que mieux. Après tout, l'amour pouvait être la plus grande faiblesse d'un vampire.

« Dans ce cas le Aps Hole a encore un long avenir devant lui ! », lui répondis-je avec un petit sourire tout en levant fièrement mon verre pour trinquer avec lui. « Boxeur ? Toi et moi sommes bien placés pour savoir que nos gabaries respectifs sont déjà sujet à moquerie. Je ne suis pas sûr que la ligue sportive te prenne au sérieux ». Il était évident que nos apparences juvéniles ne nous avaient jamais freiné dans nos désirs et envies, pour autant c'était un fait. L'immortalité nous avait figé ainsi. Et ils n'étaient pas rare que les autres se méprennent sur notre puissance ; à leurs risques et périls le plus souvent d'ailleurs.

M'accoudant aux rebords du siège confortable à souhait, je ne pouvais m'empêcher de sourire face à ses propos. Il se promettait de ne plus tuer un seul humain alors que je ne comptais plus le nombre de victimes à mon actif. En temps normal il m'aurait été difficile de « sympathiser » avec un vampire pro-humain mais allez savoir pourquoi avec Austyn c'était différent. Sans doute parce que je le connaissais depuis sa naissance contrairement à bien d'autres. J'étais sur le point de le titiller de comme à mon habitude lorsque mon acolyte souleva de nouveau le sujet épineux. Je ravalai ma salive et mon air moqueur disparu aussitôt. A quoi jouait-il ? Cherchait-il à me provoquer ? Ami ou pas je n'étais pas certains de pouvoir me contrôler suffisamment lorsqu'il était question de Lui. Feintant l'indifférence une fois de plus, alors que je commençais littéralement à bouillonner, je tentais de m'en sortir. « J'ai bien peur que tu prennes ton cas pour une généralité Austyn. Je suis un vampire. Et comme tout vampire qui se respecte, je me nourris et je tue. La seule raison pour laquelle il est encore en vie c'est que son sang est incroyablement délicieux. Mais viendra un moment où il ne me sera plus utile.. ». Ces derniers mots me firent l'effet d'une enclume des mes entrailles. Je mentais pour me protéger, et le protéger également. Pour combien de temps encore ?